qu'est-ce qu'un polyèdre ?

La question semble anodine, mais il vaut toujours mieux savoir exactement de quoi on parle.
Les polyèdres forment un zoo difficilement concevable, tant il est riche. La tâche titanesque d'y mettre un peu d'ordre incombe naturellement aux mathématiciens ; ils n'ont pas manqué d'imagination pour relever le défi.

Un polyèdre (du grec "poly" et "hedra" : plusieurs bases) est un solide de l'espace 3D limité par un nombre fini de parties de plans, les faces, qui sont assemblées selon des segments communs, les arêtes ; les sommets sont les points communs à au moins trois faces (ce sont les extrémités des arêtes). Les faces sont donc des polygones plans ; les côtés des faces sont les arêtes du polyèdre et les sommets des faces sont aussi les sommets du polyèdre.
Remarque : "base" désigne en général la face sur laquelle repose le polyèdre ; chaque face peut donc être une base (de même que chaque côté d'un triangle peut être considéré comme "base"). Si le polyèdre possède une face (ou deux faces parallèles) qui se distingue facilement de ses autres faces on l'appelle aussi "base" (exemples : base d'une pyramide, bases d'un prisme).
Ainsi un cylindre n'est pas un polyèdre pour plusieurs raisons : sa surface latérale n'est pas plane, ses bases ne sont pas des polygones, enfin il n'a pas de sommet ! Pas de faces, pas d'arêtes, pas de sommets, difficile de faire pire !
Le polyèdre le plus simple est la pyramide à base triangulaire ou tétraèdre (quatre faces triangulaires) ; le minimum est donc 4 faces, 4 sommets et 6 arêtes.

Remarque : Certains manuels scolaires, non seulement ne donnent pas de définitions précises pour le vocabulaire utilisé à propos des polyèdres, mais utilisent ce vocabulaire pour décrire d'autres solides (ainsi le cône aurait deux "faces" et une "arête", la boule juste une "face"...).

voici trois polyèdres
prisme droit régulier  -  pyramide régulière  -  polyèdre "sphérique"
mais ces trois solides ne sont pas des polyèdres
cylindre de révolution  -  cône de révolution  -  boule

Le monde des polyèdre est tellement vaste et complexe qu'il est souvent nécessaire de préciser les définitions par des considérations topologiques pour éliminer les cas "anormaux" :
•   Un polyèdre doit être borné (on doit pouvoir l'enclore dans une sphère) et "clos" (sa frontière doit créer deux régions non connectées, l'intérieur et l'extérieur).
•   L'intérieur doit être connexe (deux points quelconques peuvent être reliés par un chemin entièrement à l'intérieur) : on élimine ainsi par exemple les paires de tétraèdres avec seulement une arête ou un sommet en commun.
Chaque arête doit être un côté de DEUX faces et les arêtes issues d'un même sommet doivent définir UNE suite de faces où chaque arête est un côté de deux faces consécutives. Cependant deux faces peuvent se couper mais leur intersection n'est pas une arête.
•   Si on veut éviter de considérer des "vides" à l'intérieur, il faut exiger une frontière connexe.
Les polyèdres toroïdaux (en forme de chambre à air) ne manquent pas d'intérêt. Un polyèdre sans "tunnels" est dit simplement connexe (tout chemin fermé à l'intérieur peut être continûment réduit à un point).
Même avec toutes ces précautions on n'est pas certain d'éviter tous les cas "pathologiques" !
On voit qu'il n'est pas facile de donner une définition "officielle" d'un polyèdre ; différentes définitions sont adaptées à des besoins spécifiques. Avec une définition large on peut utiliser le mot "polyèdre" pour l'ensemble des nombreuses catégories (comme les assemblages de polyèdres), y compris celles qui n'ont pas encore été découvertes.
"Il n'a jamais été complètement répondu à la question "Qu'est-ce qu'un polyèdre ?". Les définitions vont des solides aux surfaces, aux squelettes, aux ensembles combinatoires de points, avec toutes sortes de caractéristiques telles que les extensions infinies, des éléments qui coïncident etc... autorisées par certains chercheurs mais pas par d'autres. Aujourd'hui le débat fait peut-être rage plus que jamais." (Guy Inchbald)

À un niveau élémentaire il vaut donc mieux éviter d'être trop précis en introduisant d'inutiles restrictions et se contenter d'une définition simple et facile à comprendre : un polyèdre est un solide limité par un nombre fini de polygones plans.

Une définition simple de H. S. M. Coxeter : Un polyèdre est un ensemble fini de polygones tels que tout côté de chacun d'eux appartienne exactement à un autre, avec la restriction qu'aucun sous-ensemble n'ait la même propriété. Les faces ne sont pas restreintes à être convexes, et peuvent entourer leurs centres plus d'une fois... ; de même en un sommet les faces peuvent entourer le sommet plus d'une fois.




•   "Les solides géométriques peuvent devenir le sujet d'une fascinante étude. Pas tout le monde, évidemment, ne voudra tenter de comprendre toutes les mathématiques théoriques impliquées dans la découverte et la classification de ces solides... Mais chacun peut certainement apprécier la beauté et la symétrie de ces solides, dont l'histoire est aussi ancienne que Platon, Archimède et Euclide..."   Magnus Wenninger (The Mathematics Teacher - mars 1965, page 244)
•   "Les polyèdres constituent une source inépuisable d'inspiration pour l'enseignement de la géométrie et pour l'illustration de la recherche en mathématiques. Pour l'enseignement les polyèdres se prêtent à de multiples activités toutes très riches (observations, manipulations, réalisations en carton, formulations d'hypothèses, de contre-exemples, etc…). Par exemple l'emploi de patrons peut débuter dès la grande section de maternelle et se poursuivre jusqu'à l'université sous des formes très variées.
Par ailleurs, les polyèdres sont un domaine fortement enraciné dans l'histoire des mathématiques. Ils sont présents à peu près à toutes les époques, y compris la nôtre. Ce domaine actif, loin d'être tari, est donc un thème de choix pour les exposés de vulgarisation mathématique, où l'aspect concret et très familier des objets étudiés simplifie grandement la tâche toujours délicate du vulgarisateur qui doit sans relâche expliquer que, oui, les mathématiques sont belles et vivantes."   Thierry Lambre (septembre 2007, bulletin n° 471 de l'APMEP, page 533)
•   "Quel type de connaissance spatiale ont nos élèves ? Que voient-ils quand il regardent un objet tridimensionnel ? Quels mots utilisent-ils pour décrire ce qu'il voient ? Comment aiguiser leur habileté à visualiser en construisant et décrivant des structures tridimensionnelles ? Ces questions ont fait surface lorsque nous, comme éducateurs et professeurs, avons envisagé d'introduire des tâches spatiales dans les programmes mathématiques du primaire. Nous nous sommes inquiétés de ne pas donner à nos élèves l'occasion de développer leurs compétences spatiales."   (Karen Falkner)
•   "Les polyèdres ont un énorme attrait esthétique… Le sujet est divertissant et facile à apprendre tout seul… Le meilleur moyen d'apprendre sur les polyèdres est de réaliser ses propres modèles en papier."   (George W. Hart)
•   "Hart matérialise les formes idéales des polyèdres avec esprit et humour. La beauté austère des polyèdres devient ainsi accessible et familière."   (Bob Brill)
•   Il est bien évidemment conseillé de réaliser ses modèles soi-même. Comme le disait Pólya, "Les mathématiques ne sont pas un sport spectacle !"



La notion de convexité est compréhensible par toute personne ayant quelques connaissances élémentaires en géométrie :
1. Un polygone est convexe si toutes ses diagonales sont à l'intérieur.
Rappel : une diagonale d'un polygone est un segment joignant deux sommets et qui n'est pas un côté.
Remarque : Un triangle n'a pas de diagonales.
2. Un polyèdre est convexe si toutes ses diagonales appartiennent à son intérieur ou à sa surface.
Rappel : une diagonale d'un polyèdre est un segment joignant deux sommets et qui n'est pas une arête.
Remarque : Un tétraèdre et le polyèdre de Császár n'ont pas de diagonales.

Un résultat général intéressant pour les polygones et les polyèdres : le "principe de Cavalieri" :
1. Si pour deux régions planes il existe une orientation et une droite telle que pour toute droite qui lui est parallèle les sections ont mêmes longueurs dans les deux régions, alors ces régions ont même aire.
2. Si pour deux solides il existe une orientation et un plan tel que pour tout plan qui lui est parallèle les coupes ont mêmes aires dans les deux solides, alors ces solides ont même volume.
exemples :  deux parallélogrammes (ou deux triangles) avec des bases de même longueur et des hauteurs de même longueur ont même aire (sections parallèles aux bases),
deux prismes (ou deux pyramides) avec des bases de même aire et des hauteurs de même longueur ont même volume (coupes parallèles aux bases).

références : •  Preuves et Réfutations (essai sur la logique de la découverte mathématique)  par Imre Lakatos (Hermann, 1984)
•  Are your polyhedra the same as my polyhedra?  par Branko Grünbaum
•  The challenge of Classifying Polyhedra  par Jean J. Pedersen (en anglais)
•  It's a long way to the stars  par Guy Inchbald (version PDF en anglais)


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polyèdres convexes - polyèdres non convexes - polyèdres intéressants - sujets connexes juin 2003
mis à jour 08-08-2012